J'en ai encore fait une tartine
. Bon courage!
Pour parler de Julius avant la tragédie de Wallius II
Les réfugiés défilaient maintenant depuis une vingtaine d’heures devant la veille impassible de Julius et de ses frères écarlates.
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Cent treize ans. C’était le temps que Julius avait passé au service de l’Empereur et de Sanguinius en tant que Blood-Angel. Il n’avait participé de bout en bout, qu’une seule fois à une campagne militaire majeure. Tous ses autres faits d’armes avaient été ponctuels en tant qu’aide et réserve. Il était encore jeune pour un Astartes et il n’était plus scout que de depuis une soixantaine d’années. Même s’il avait déjà contemplé nombre d’évènements traumatisants, Julius n’était pas aussi aguerri qu’il l’aurait voulu.
Il faut néanmoins comprendre vraiment ce qui affectait le fils de l’Ange : Il avait affronté des xénos redoutables, des créatures du warp et même si ce ne fut pas sans peine, son conditionnement de marine lui avait permis de faire face dignement et efficacement. En fait, ce qui mettait Julius mal à l’aise c’était le spectacle affligeant d’une humanité brisée. Les réfugiés de la ruche Primus étaient sales, éreintés, certains étaient blessés et d’autres encore tombaient en route vers les camps de fortune que l’on avait érigés à la hâte. Plus que tout c’était leurs regards que Julius détestait. D’une certaine manière, cela lui rappelait ses origines. Il se souvenait des tribus d’où le chapitre recrutait ses membres. Des êtres rustres, sauvages, errant au milieu du désert radioactif de Baal. Le soleil de plomb, les conditions de vie extrêmes et une inculture totale contribuaient à transformer ce qui aurait pu être des hommes dignes en de pauvres monstres difformes et intellectuellement attardés.
Certains parmi les habitants de Baal avaient la rage et la volonté de changer leur condition et c’est ce que le sang du Primarque leur offrait.
Julius se souvint de la première fois où il fut enfermé dans son sarcophage d’or pour que la puissance lui soit transmise par le sang des héros. Il n’avait pas vraiment ressenti de peur lorsqu’il était conscient mais un sentiment tenace lui revenait de sa période de léthargie. Il se souvenait d’émotions extrêmes telles que la colère et la rage. Un sentiment de puissance infini et une liberté absolue. Il s’était senti sombrer et surtout il avait adoré cette sensation d’abandon. Sa volonté n’aurait pas du avoir raison de tant de violence et d’intensité mais il s’était soudain senti porté par une force qu’il n’aurait pu définir. Il avait eu la conviction d’avoir été touché par la grâce. Une douce chaleur l’enveloppait et lui insufflait une force morale sans limite. La reconnaissance qu’il avait éprouvé à ce moment envers le primarque, l’Empereur et toute la création l’avait transformé comme jamais il ne l’aurait cru possible. Les souffrances physiques de sa transformation, la discipline et le sacrifice de sa vie au service de l’humanité lui avaient semblé tellement naturels et évidents à donner par la suite…
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Aujourd’hui cette plénitude lui échappait. Intellectuellement et spirituellement, l’enseignement tel que le préconisait Sanguinius lui offrait un soutien fort face aux injustices faites aux hommes. Néanmoins, lorsqu’il s’éloignait du souvenir de son illumination, Julius devenait sombre d’humeur.
Il méprisait ces êtres pathétiques qui défilaient sous son regard comme il méprisait la médiocrité de ce qu’il avait été. Mais était-ce bien lui ? Ce trouble n’était pas nouveau mais il prenait des proportions inquiétantes. Il ne culpabilisait pas en condamnant ceux qu’il avait juré protéger mais ses performances sur le terrain s’en ressentaient. C’était inacceptable. Il savait qu’il aurait du se confier à son prêtre de compagnie : L’apothicaire sanguinien Quintus. Néanmoins, son orgueil et sa vanité le retint. « Les forts doivent être forts seuls. » Se confier ou se lier offrirait un angle d’attaque à l’ennemi. Une faille à exploiter. Ainsi Julius se convint-il de ressasser plutôt que de partager son désarroi grandissant. Il s’isolait pour prier encore plus que les autres. Cela lui évitait d’avoir à côtoyer ses frères et de supporter une condescendance intolérable.
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« C’est ainsi que Julius Dimitrius Prime, qui fut un de nos plus grands prêtres était à l’époque où commence cette chronique. Vous comprendrez ainsi plus facilement pourquoi dans sa sagesse, l’Ange nous dit que la paix n’est pas un but mais un chemin.
Je vois parmi vous des regards choqués. Croyez-moi, pour avoir été à votre place il y a des siècles, vos certitudes s’effondreront avant la fin de ce récit.
Pardonnez ma digression et revenons à la campagne des mondes de Dorian. »
De la croisade des mondes de Dorian.
Nous nous situons environ cent ans avant la tragique 13ème croisade noire du Fléau. Alors que les flottes ruches Béhémoth et Léviathan ont été contrées, d’autres offensives xénos ont lieu dans le segmentum Tempestus. Même s’ils avaient été repoussés, des poches de résistance tyranides perduraient parmi les territoires non encore « consommés » du segmentum Ultima.
Une croisade fut levée pour pouvoir récupérer et sauver les mondes qui pouvaient encore l’être. Une priorité haute fut donnée au système de Dorian au sud-est du domaine d’Ultramar. La 4ème compagnie des Blood-Angel fut dépêchée par le Seigneur commandeur Dante en signe de respect envers la demande du maître des Ultramarines, Marneus Augustus Calgar. Etant spécialiste de la lutte contre ces infâmes créatures, les fils de Guilliman furent envoyés en masse vers les flottes ruches actives. C’est pour cette raison que les Ultramarines avaient sollicité l’assistance de leurs frères d’autres chapitres pour la campagne de reconquête des mondes de Dorian. Le commandeur stellaire Gray menait la croisade au nom des hauts seigneurs de Terra. La mise en place de l’expédition avait pris à peu près deux ans et la campagne en avait pris trois lorsque les forces de notre glorieux Empereur arrivèrent sur Wallius II. La planète était le centre névralgique du système. Lors des assauts biologiques de la flotte ruche, le monde de Wallius avait tenu bon. La force du Béhémoth avait fait une percée vers Ultramar laissant les mondes en chemin à des essaims plus réduits. Leur rôle était sans doute plus de protéger l’arrière de la flotte que de véritablement envahir des mondes. Grâce à ses considérables ressources militaires, Wallius n’avait que très peu souffert du passage tyranide. Quelques poches xénos résistaient ici et là dans les profondeurs des mines de fer. Ce fut le dernier rapport fait au conseil de la croisade un an avant d’arriver en vue du monde sidérurgique.
Aussi la surprise fut-elle grande lorsque les communications se rompirent cinq mois plus tard. Les astropathes ne percevaient pas « l’ombre dans le warp » caractéristique aux flottes ruches. L’immatérium semblait étrangement calme. Ce ne fut que lors des dernières approches que l’on comprit que l’ennemi avait changé de visage. La flotte fut harcelée par des raids dévastateurs de vaisseaux nécrontyr et arrivé en vue de Wallius II, des nervures lumineuses d’un vert inquiétant parcouraient la surface de la planète. Les serviteurs des dieux des étoiles contestaient son bien à l’Empereur.
Du doute et de sa graine…
Julius avait participé au raid visant à installer une tête de pont sur la planète. On avait choisi comme objectif l’astroport oriental avec ses structures avoisinantes. L’opération fut parfaitement exécutée et il n’y eut que peu de pertes à déplorer. C’était la première fois que la 4ème compagnie se mesurait à ces automates démoniaques. La première réaction du frère sergent Arius avait été de plaisanter sur le fait que la soif rouge ne risquait pas de les submerger face à ces pantins de métal. Malheureusement, quand le vétéran affronta les xénos identifiés comme des dépeceurs, il explosa.
Ces derniers étaient en embuscade, enterrés sur le chemin menant au générateur anti-gravifique pour les gros bâtiments spatiaux. Lorsqu’ils surgirent du sol, leurs corps suintaient de sang et de terre. Les lambeaux de chair qui ressemblaient à un déguisement grotesque eurent un effet terrible sur chacun des Blood-Angel. L’odeur d’hémoglobine fit comme un choc électrique à Julius. Il se reprit à l’instant où Arius bondit vers les nouveaux arrivants en déclenchant son arme énergétique. Il hurlait comme un forcené, sectionnant le tronc du plus proche : « Misérables traîtres ! Jamais vous n’approcherez l’Empereur. Vous n’aurez pas cet honneur ! Où est Horus ?! Où est le maître de cette perfidie ! Arrhh ! Recule engeance démoniaque, tu es une insulte à l’Humanité. »
Il n’y avait plus de doute, la rage noire l’avait envahi. Jamais on n’avait vu si soudaine crise mais rétrospectivement, chaque membre de l’escouade se souvint de l’humeur étrange de leur ami ces derniers temps. Face à la violence de cet assaut, les dépeceurs ne purent prendre l’avantage et furent mis en pièce. Quelques blessures pouvaient être vues sur les marines et Arius avait perdu un bras dans la mêlée. Ceci ne l’arrêta pas le moins du monde. Il courut vers l’objectif sans attendre les siens, délirant et combattant ses chimères. Il ne survécut pas à cette journée mais il donna une victoire éclatante à ses frères.
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Promptement rejoint par Quintus, leur prêtre de compagnie, les Blood-Angel ne laissèrent rien filtrer de l’incident et déclarèrent simplement Arius mort au champ d’honneur. Encore choqué d’avoir vu son supérieur dans un tel état, Julius dut rapidement se reprendre. On lui donna la direction de son unité avec la bénédiction de l’officier sanguinien et un réserviste vint renforcer les effectifs. C’était une situation assez inhabituelle mais loin des ressources du chapitre, trouver un vétéran pour remplacer Arius ne pouvait pas se faire simplement. Julius Dimitrius, sergent de la 5ème escouade de la 4ème compagnie, commença à avoir peur.
« La peur est l’ultime ennemie du marine.
Le codex Astartes dit : « Et ils ne connaîtront pas la peur » Je vous le dit, malgré les psycho-formations et le sang de l’Ange, ceci est faux. Nous sommes le rempart de l’humanité tel que l’a voulu l’Empereur et la peur sera notre adversaire jusqu’à la fin des temps. Tout naît de là et le chaos y prend sa source. Tous les maux de l’univers ne sont que les symptômes de ce mal. Sanguinius y a fait face jusqu’à l’ultime moment et a tout sacrifié à l’humanité. C’est pour cela que son exemple est notre salut. Il a fait face à l’ennemi de l’âme et l’a vaincu. Il sera de vos attributions, en tant que prêtre, de le comprendre pour aider nos frères.
Reprenons. »
Donc, Dimitrius avait peur car encore une fois il s’était revu sur Baal à travers la folie d’Arius. Le vétéran avait eu des soubresauts lors de sa crise. Il écumait de rage et perdait de plus en plus de son humanité alors qu’il vivait les derniers instants de l’hérésie d’Horus (qu’il soit maudit). Julius ne supportait pas l’idée de finir ainsi, de revenir à ce qu’il était avant de devenir un demi-dieu. Ce fut à partir de ce moment, qu’il s’isola de tous et commença à taire des choses lors de ses confessions. Il avait de nouvelles responsabilités dans lesquelles il pouvait se plonger, fuyant sa faiblesse et sa honte. C’est ainsi que cela commença vraiment et comme toute peur doit trouver un exutoire, Julius commença à mépriser l’humain. Il le méprisa pour sa faiblesse qui l’obligeait à le protéger et à sacrifier de si nobles individus. Il condamna les hommes et les femmes, les jugea indignes de la dévotion des élus. Cela prit du temps et bien sûr Quintus ne fut pas totalement aveugle à ces faits mais la guerre n’attendait pas et il fallait que tous combattent.
Une bataille et une rencontre.
à suivre...